Le régime syrien a annoncé jeudi avoir repris le contrôle total d’Alep, deuxième ville du pays, remportant sa plus grande victoire face aux rebelles depuis le début de la guerre en 2011.
«Grâce au sang de nos martyrs et aux sacrifices de nos valeureuses forces armées ainsi qu’aux forces supplétives et alliées (…) le commandement général des forces armées annonce le retour de la sécurité à Alep après sa libération du terrorisme et des terroristes et la sortie de ceux qui y restaient», a annoncé un communiqué de l’armée.
«Cette victoire représente un tournant stratégique (…) dans la guerre contre le terrorisme (…), souligne la capacité de l’armée syrienne et ses alliés à remporter la bataille contre les groupes terroristes et pose les bases d’une nouvelle phase pour chasser le terrorisme de tout le territoire de la République arabe syrienne», a indiqué encore le texte.
L’annonce intervient après la sortie du dernier convoi de rebelles et de civils d’Alep-Est, ex-fief rebelle de la métropole tombé après un mois d’une violente campagne de bombardements aériens et terrestres.
En perdant son bastion devenu un champ de ruines en raison des violents bombardements, la rébellion essuie son pire revers depuis le début de la guerre.
Une trentaine d’observateurs de l’ONU étaient à Alep-Est pour superviser la phase finale des opérations d’évacuation des rebelles et des civils, avait annoncé jeudi un porte-parole des Nations unies à Genève.
«Trente-et-un observateurs internationaux et nationaux sont présents à la porte de Ramoussa», a déclaré à l’AFP Jens Laerke, porte-parole du bureau de coordination des Affaires humanitaire de l’ONU (OCHA).
Le 19 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé à l’unanimité, y compris la Russie, principale alliée de la Syrie, de déployer rapidement des observateurs onusiens à Alep-Est pour y superviser les évacuations et évaluer la situation des civils. La France, à l’origine de cette résolution, souhaitait « éviter un nouveau Srebrenica », ville de Bosnie où fut commis en 1995 le pire massacre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
M. Laerke a précisé que parmi les 31 employés de l’ONU assignés spécifiquement à la supervision, 20 avaient commencé à arriver de Damas dès mardi soir. Il a ajouté qu’une centaine d’employés d’agences de l’ONU, en grande majorité syriens, étaient déjà sur place à Alep, mais pas en tant qu’observateurs.
«Pour l’instant, (les 31), ont été assignés au point de passage de Ramoussa (…) par rotation afin d’être présents constamment», a-t-il ajouté.
Les convois de civils et de combattants ont quitté Alep-Est en empruntant la porte de Ramoussa, située dans le sud d’Alep, pour se rendre en zone rebelle, à l’ouest de la métropole.
Les dernières évacuations se sont terminées jeudi dans la poche rebelle d’Alep après le départ d’au moins 4000 insurgés, la Croix-Rouge internationale espérait avoir terminé vendredi cette opération. Le président syrien Bachar al-Assad a affirmé que «la libération» d’Alep n’était pas seulement «une victoire» pour la Syrie, mais aussi pour l’Iran et la Russie, les soutiens indéfectibles de son régime, engagé depuis 2011 dans une guerre civile qui a fait plus de 400 000 morts.
La fin des évacuations était cruciale pour le régime qui a annoncé la reprise totale d’Alep, son plus important succès en près de six ans de guerre dévastatrice.
Rebelles à bord de camionnettes
Munis d’armes légères, des rebelles à bord d’une vingtaine de camionnettes, taxis et voitures ont quitté la métropole dans la matinée, traversant le point de transit de Ramoussa dans le sud d’Alep, pour se rendre en zone rebelle, à l’ouest de la métropole, selon un correspondant de l’AFP.
Et en début d’après-midi, une dizaine de bus ont également quitté la poche rebelle d’Alep. À leur passage, un loyaliste a brandi un grand drapeau syrien.
Lancée le 15 décembre, l’opération complexe d’évacuation a subi plusieurs retards en raison de la méfiance entre belligérants, des problèmes logistiques et depuis mercredi d’une tempête de neige qui a ralenti le transit des véhicules vers des territoires rebelles.
La neige a cessé de tomber jeudi sur Alep mais les personnes attendent par un temps glacial d’être évacuées.
«Il est difficile de prévoir quand l’opération sera terminée car les routes sont enneigées», avait indiqué à l’AFP un responsable du groupe rebelle Ahrar al-Cham, Ahmad Qorra Ali.
D’après un récent bilan du CICR, environ 34 000 personnes ont été évacuées depuis le 15 décembre de l’enclave rebelle d’Alep, ravagée par les offensives successives du régime et plus de quatre ans de combats, mais surtout les bombardements de l’armée syrienne et de son allié russe des derniers mois.
Le régime a lancé sa dernière offensive terrestre et aérienne le 15 novembre déversant pendant un mois un déluge de feu sur les quartiers rebelles où des dizaines de milliers d’habitants étaient soumis à un siège asphyxiant et manquaient de tout depuis juillet.
C’est à l’issue de cette opération qu’un accord parrainé par la Russie et l’Iran, alliés indéfectibles du régime, et par la Turquie, soutien de la rébellion, a permis les évacuations des civils et des rebelles souhaitant partir, acculés dans un réduit.
«Ingérence flagrante»
Aucun chiffre officiel syrien n’a été fourni sur le nombre des personnes évacuées et transférées en zone rebelle. De même, aucune estimation précise du nombre de personnes restant encore dans la poche rebelle n’était disponible.
Simultanément, les évacuations des localités chiites de Foua et Kafraya, assiégées par les insurgés dans la province voisine d’Idleb, se poursuivaient jeudi, comme prévu par l’accord sur Alep.
Au total, environ 1000 personnes ont été évacuées de ces localités, tandis que des centaines attendent encore de sortir, selon un nouveau chiffre du CICR.
Alors que de nombreuses atrocités ont été commises durant la guerre en Syrie, l’Assemblée générale des Nations unies a approuvé la création d’un groupe de travail chargé de préparer des dossiers sur les crimes de guerre dans ce pays, première étape vers la poursuite en justice des responsables de ces crimes.
L’ambassadeur syrien à l’ONU, Bachar Jaafari, a qualifié cette initiative d’«ingérence flagrante dans les affaires» de la Syrie.
À Moscou, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a annoncé que les bombardements de l’aviation russe en Syrie ont permis de «liquider» 35 000 combattants depuis le début de son intervention en septembre 2015.
Les soutiens militaires russe et iranien ont été déterminants dans le conflit syrien pour renverser la situation au profit du régime. Avec Ankara, Téhéran et Moscou semblent avoir pris la main dans le dossier syrien, après avoir écarté les États-Unis et les Occidentaux.
Alep «est une défaite pour tous les pays hostiles au peuple syrien et qui ont utilisé le terrorisme pour satisfaire leurs intérêts», a affirmé le président Assad jeudi en recevant un vice-ministre iranien des Affaires étrangères.
Déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques pro-démocratie, le conflit syrien s’est complexifié au fil des années, impliquant de multiples belligérants soutenus par différentes puissances régionales et internationales.
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