Martyre de la marginalisation du Sud-Est
« Ma fille est morte à cause d’une erreur médicale ». Joint par téléphone, Driss Fakhreddine essaie tant bien que mal de dissimuler sa profonde tristesse. L’homme venait juste d’assister, le matin du mercredi 12 avril 2017, aux funérailles de sa fille Idya, au village de Tizguit, à 15 kilomètres de Tinghir, au Sud-est du Maroc. Sur place, les larmes de tristesses se mêlent aux cris de colère. En effet, la défunte, âgée de 2 ans et 9 mois, aurait été, peut-être, encore en vie, si les infrastructures sanitaires dans sa région étaient à la hauteur. C’est du moins ce que croient la famille du père et son entourage.
«S’il y avait un personnel qualifié et des moyens à la hauteur à Errachidia ou à Tinghir, la victime aurait survécu, d’autant plus qu’elle a résisté de l’après-midi de samedi jusqu’à l’aube de mardi, soit plus de 48 heures», s’indigne Mounir Kejji, ami proche du père et militant de la mouvance amazighe. «La situation est désormais tendue dans la région de Tinghir. Il y aura probablement des manifestations pour décrier les défaillances dont souffre cette partie du pays», martèle-t-il.
Pour mieux comprendre cette colère grandissante, il faut remonter aux origines de la mort tragique d’Idya. Samedi 8 avril à l’après-midi. La petite fille joue dans rivière, dans les gorges de Toudgha. Soudainement, elle tombe et se blesse au niveau de la tête. Son père l’emmène en urgence à l’hôpital de Tinghir, «qui est tout sauf un hôpital», nous explique M. Kejji. Elle est transférée alors, le lendemain, à l’hôpital provincial d’Errachidia, à 170 kilomètres.
Erreurs mortelles
Sur place, la faiblesse des équipements interpelle. La fille est soumise à deux examens de scanners qui donnent le même résultat: Idya est touchée au crâne, au-dessus de l’oeil, précisément. Sur la base de ce diagnostic, les médecins demandent à la famille de transporter la fillette à l’hôpital Omar Dkhissi de Fès, à près de 400 kilomètres. Toutefois, en voyant l’état d’Idya, la mère de M. Fakhreddine doute que le problème soit aussi simple. «Nous sommes arrivés à Omar Dkhissi vers 3h du matin de mardi. Sur place, les médecins nous ont dit que le diagnostic délivré par l’hôpital d’Errachidia n’était pas parfaitement exact», poursuit le père.
De ce fait, la famille est contrainte de se déplacer encore une nouvelle fois. La dernière fois. Au Centre hospitalier universitaire (CHU), toujours dans la ville de Fès. Et pour la deuxième fois, les médecins affirment que la fille ne souffre pas seulement d’un simple traumatisme crânien, mais aussi et surtout d’une hémorragie interne au niveau des poumons, ce qui a fatalement affecté sa capacité à respirer. Une équipe de jeunes médecins tentent tout pour la sauver. Ils évacuent le sang dans ses poumons, puis essaient de réanimer la fillette, mais en vain. Et à 5h du matin, Idya décède, quatre heures avant son rendez-vous prévu avec le médecin au CHU. «Pire encore, nous avons eu une grande difficulté pour effectuer la procédure pour pouvoir récupérer le cadavre de ma fille», souligne avec grande amertume le père d’Idya.
La fin tragique a ranimé la polémique sur la situation des provinces du Sud-Est, l’une des plus marginalisées du Maroc. «Ce n’est pas le premier drame causé par la situation catastrophique des infrastructures ici. Le ministère de la Santé doit redoubler d’effort pour mettre fin à cela», conclut M. Kejji.