Notre compréhension du cosmos, bâtie sur des décennies d’observations, pourrait être à l’aube d’un remaniement majeur. Des études récentes s’attaquent à deux piliers de l’astrophysique moderne : l’expansion accélérée de l’Univers, récompensée par un prix Nobel, et les règles établies sur la formation des trous noirs. De nouvelles données suggèrent que nous avons peut-être tout compris de travers.
L’expansion de l’Univers, une certitude ébranlée
Pendant des décennies, le consensus scientifique, fondé sur l’observation de supernovae dans les années 1990 et couronné par le prix Nobel de physique en 2011, affirmait que l’expansion de l’Univers s’accélérait. Or, une nouvelle analyse menée par des chercheurs de l’Université Yonsei en Corée du Sud remet radicalement en question cette certitude.
Cette étude, publiée le 6 novembre 2025 dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, pointe une distorsion jusqu’ici négligée dans les mesures. Le problème viendrait des supernovae de type Ia, ces explosions d’étoiles utilisées comme « chandelles standard » pour mesurer les distances cosmiques.
L’âge des étoiles, le biais oublié
L’équipe du professeur Young-Wook Lee a réévalué plus de 300 de ces supernovae et a découvert que leur luminosité intrinsèque dépendait fortement de leur âge, un facteur largement sous-estimé. Il s’avère que les étoiles plus jeunes génèrent des explosions systématiquement moins lumineuses que leurs aînées.
Même après les corrections habituelles, un écart d’environ 0,03 magnitude par milliard d’années persiste. Cet écart, en apparence minime, a des conséquences majeures. L’âge moyen séparant les supernovae proches de nous et les plus lointaines étant de 5,3 milliards d’années, ce biais est suffisant pour fausser entièrement les calculs de distance et, par conséquent, ceux sur l’expansion de l’Univers. Ce que l’on prenait pour une accélération pourrait n’être qu’un artefact de mesure.
Vers un Univers qui ralentit ?
En tenant compte de cet effet d’âge, le tableau cosmologique change du tout au tout. Les calculs de l’équipe sud-coréenne suggèrent que l’expansion accélérée serait déjà terminée. Plus encore, l’Univers aurait même commencé à ralentir.
Cette correction a un avantage de taille : elle réconcilie enfin les données des supernovae avec d’autres mesures cosmologiques majeures, comme le fond diffus cosmologique (CMB) et les oscillations acoustiques baryoniques (BAO), qui présentaient jusqu’ici des divergences notables. « Les données s’accordent désormais étonnamment bien avec un modèle d’énergie sombre dynamique », explique Chul Chung, co-auteur de l’étude.
Plutôt qu’une énergie sombre constante (le modèle standard ΛCDM), ces résultats plaident pour une énergie dont l’effet s’atténue avec le temps. Le paramètre de décélération (q₀) se retrouve désormais dans le positif, indiquant que l’Univers freine. L’Observatoire Vera C. Rubin au Chili, qui collectera bientôt des données sur plus de 20 000 supernovae, sera crucial pour confirmer ou infirmer cette hypothèse révolutionnaire.
Des trous noirs « impossibles » défient la théorie
Ce pilier de la cosmologie n’est pas le seul à vaciller. En 2023, la détection d’ondes gravitationnelles (GW231123) a révélé la fusion de deux trous noirs qui, selon les théories actuelles, ne devraient tout simplement pas exister. Située à 7 milliards d’années-lumière, cette collision mettait en jeu des objets dont la masse les place en plein dans « l’intervalle de masse » interdit.
Selon la physique stellaire, les étoiles d’une masse comprise entre 70 et 140 fois celle du Soleil subissent des « supernovae à instabilité de paires ». Ces explosions sont si violentes qu’elles anéantissent totalement l’étoile, ne laissant aucun rémanent, aucun trou noir. Juste le vide. De plus, les deux objets de GW231123 tournaient sur eux-mêmes à une vitesse proche de celle de la lumière, un autre casse-tête pour les modèles actuels.
Le rôle clé des champs magnétiques
Comment expliquer leur existence ? Ore Gottlieb et ses collègues du Flatiron Institute ont peut-être trouvé la réponse en incluant un élément crucial que les simulations précédentes avaient ignoré par simplification : les champs magnétiques.
L’équipe a modélisé le cycle de vie complet d’une étoile géante de 250 masses solaires, qui se réduit à environ 150 masses solaires (juste au-dessus de la zone interdite) avant d’exploser. Lors de son effondrement, un disque de matière stellaire se forme autour du trou noir naissant, un disque sillonné de champs magnétiques.
C’est là que tout bascule. Ces champs magnétiques exercent une pression intense sur le disque, éjectant jusqu’à la moitié de la masse de l’étoile à une vitesse proche de celle de la lumière. Ce processus réduit considérablement la masse finale du trou noir, le faisant « tomber » dans l’intervalle de masse prétendument interdit. Les simulations montrent que la force du champ détermine le résultat : des champs plus faibles permettent la formation de trous noirs plus lourds et plus rapides, correspondant aux observations. Ce modèle prédit également que ces formations devraient s’accompagner de sursauts gamma observables, offrant une piste pour tester la théorie et découvrir à quel point ces trous noirs « impossibles » sont finalement courants.