Le fabricant allemand de semi-conducteurs Infineon vient de clore un exercice fiscal complexe, marqué par un recul significatif de ses bénéfices. Face à la faiblesse persistante de ses marchés historiques, notamment l’automobile, le groupe mise désormais massivement sur l’essor de l’intelligence artificielle comme principal moteur de croissance pour l’avenir.
Un exercice 2025 sous pression
L’exercice décalé 2024/2025 (clos fin septembre) s’est révélé difficile pour le géant des puces. Le bénéfice net a chuté d’environ 22 % par rapport à l’année précédente, s’établissant à un peu plus d’un milliard d’euros. Le chiffre d’affaires a également connu une légère érosion, diminuant de 2 % pour atteindre 14,7 milliards d’euros.
Selon Jochen Hanebeck, le PDG du groupe, « l’année a été marquée par une faiblesse persistante sur la majorité de nos marchés cibles ». Les activités liées aux énergies renouvelables ont été particulièrement touchées, mais la division Automobile, longtemps le pilier de l’entreprise, a elle aussi montré des signes de faiblesse, rattrapée par la morosité du secteur. La faiblesse du dollar face à l’euro a également pesé sur les résultats financiers. Malgré ces défis, M. Hanebeck estime que le résultat demeure « tout à fait respectable ».
L’IA, nouveau relais de croissance majeur
Si les secteurs traditionnels déçoivent, un domaine tire très nettement son épingle du jeu : les solutions d’alimentation électrique pour les centres de données dédiés à l’intelligence artificielle. Ce segment connaît une croissance explosive.
En 2025, cette activité a déjà généré plus de 700 millions d’euros de revenus, dépassant les prévisions initiales. Fort de ce succès, Infineon revoit ses ambitions à la hausse de manière spectaculaire. Alors que l’objectif pour l’exercice 2026 était d’environ 1 milliard d’euros, Jochen Hanebeck vise désormais 1,5 milliard. Le groupe estime que ce marché, actuellement évalué entre 8 et 12 milliards d’euros d’ici 2030, offre un potentiel immense. Infineon, qui revendique une part de marché de 30 à 40 %, entend bien conserver cette position dominante.
Inquiétudes persistantes dans l’automobile
Le tableau est bien moins rose pour l’industrie automobile. Jochen Hanebeck ne voit pas d’amélioration rapide sur ce marché crucial pour Infineon. « Les impulsions de croissance sont encore faibles », note-t-il, observant que « beaucoup de clients naviguent à vue et passent des commandes à très court terme ».
Le dirigeant exprime surtout une vive inquiétude quant à la gestion des stocks. « Nous voyons le risque que certains équipementiers et constructeurs automobiles réduisent leurs niveaux de stocks jusqu’à un point qui n’est plus soutenable d’ici la fin de l’année civile », a-t-il averti.
La leçon de l’affaire Nexperia
Les tensions récentes autour du fabricant de puces Nexperia sont venues renforcer les craintes de M. Hanebeck. L’affaire, déclenchée par la mise sous contrôle étatique néerlandais de Nexperia (filiale du chinois Wingtech) en raison de craintes sécuritaires, avait provoqué des mesures de rétorsion de Pékin sur les exportations, frappant les constructeurs européens.
Pour le patron d’Infineon, cet incident rappelle que les semi-conducteurs ne sont pas des produits « juste-à-temps » et que l’industrie doit maintenir des stocks tampons suffisants. Il a d’ailleurs précisé qu’Infineon n’aurait de toute façon pas pu combler la pénurie de puces Nexperia, la superposition des gammes de produits étant minime. La récente détente initiée par la Chine est donc un soulagement, mais elle sert d’avertissement : une baisse excessive des stocks pourrait créer un goulot d’étranglement majeur en cas de reprise de la demande.
Perspectives mondiales moroses pour l’électrique
La prudence d’Infineon s’explique aussi par un ralentissement global du marché des véhicules électriques. Le PDG anticipe que les conflits commerciaux et douaniers pèseront sur les prix des véhicules et la demande.
En Chine, la croissance de l’électrique devrait s’essouffler, le marché ayant dépassé les 50 % de pénétration et les subventions publiques étant réduites. Si l’Europe pourrait connaître une légère reprise, le marché américain, à l’inverse, devrait fortement ralentir avec l’expiration de certains crédits d’impôt. Ce contexte pousse d’ailleurs plusieurs constructeurs occidentaux à retarder le lancement de nouvelles plateformes électriques, préférant se concentrer sur des modèles à combustion.
Des prévisions prudentes pour 2026
Dans cet environnement contrasté, Infineon reste prudent pour l’exercice 2025/26 qui vient de débuter. Le groupe table sur une « croissance modérée » de son chiffre d’affaires. La visibilité reste limitée par le comportement d’achat à court terme des clients, ce qui rend les prévisions difficiles. « Nous partons du principe que la croissance en volume reviendra au cours de l’exercice et que nous assisterons à une reprise progressive », a conclu Jochen Hanebeck. En clair, c’est la demande finale des consommateurs qui dictera le rythme de la reprise.